Relations à fixer entre coopératives agricoles commerçant et banquiers du Nord-Kivu

21-12-2016 Cette résolution ressort de la journée porte ouverte relative à l’exposition commerciale de la pomme de terre tenue à Goma ce lundi 12 décembre 2016. Le panel organisé à cette occasion a mis en face les acteurs de la chaine de valeur pomme de terre, notamment les agriculteurs membres des coopératives productrices de la pomme de terre, les institutions financières, les commerçants et les services publics… et chaque acteur présent ici en a profité pour présenter son potentiel dans la promotion de cette filière.

Tout commence par l’exposition de la pomme de terre sous ses variétés, une denrée qui non seulement est bonne pour les familles, mais se vend également à bon prix au marché. Les quatre coopératives agricoles venues du territoire de Masisi, comme c’est d’elles qu’il s’agit ici, ont présenté chacune l’échantillonnage de sa production. La COOAPARU expose par exemple les variétés Kinigi  de consommation et semence en provenance de  Rubaya. Selon son président, Mr Déogratias Vungoma, sa coopérative produit jusqu’à 12 tonnes de pommes de terre à l’hectare : « Nous avons reçu très récemment, la visite de deux experts en provenance du Rwanda et cela nous a beaucoup aidé.  Ce sont des agri-pilote nous envoyés par Agriterra à travers notre fédération provinciale, la FOPAC NK. Nous avons profité de ce temps avec eux, ils nous ont plus édifiés sur la façon dont il faut produire et orienter nos produits vers le marché, ce qui implique la maitrise du circuit de commercialisation. Et ils ont promis de poursuivre cette collaboration via la FOPAC Nord Kivu. »

Mais la COOPADECO de Kirolirwe présente elle aussi la pomme de terre de consommation et de semence variété Kinigi. Le président de cette coopérative agricole pour le développement communautaire, Mr  Jams MuhaweMusanganya rassure que sa COOPADECO arrive à produire 180 tonnes de pommes de terre en une seule saison, donc quatre mois. Et pour lui donc, tout dépend des techniques dont on fait usage et parfois de la terre à cultiver : « Ce séjour avec les experts venus du Rwanda, je parle des agri-pools, nous a été très fructueux. Ils nous ont outillés encore une fois en techniques culturales modernes, notamment la plantation en ligne dans billons, le respect des écartements…mais ils nous ont aussi dit qu’il fallait être sérieux dans l’organisation, ce qui implique la transparence et l’honnêteté au sein de notre coopérative. Ils nous ont également montré que nous devons pensez aussi à un meilleur  système de collecte  de productions de membres et de la communication régulière  des informations de prix de produits agricoles » Du côté de la COOAMA aussi venue de Kirolirwe, les variétés exposées sont Kinigi, T-58 et Kirundu  pour la consommation et la semence. A la dernière position c’est l’exposition de la coopérative COOAPAKA du groupement Karuba qui reprend également la variété Kinigi, identique presque partout. Mais elle cultive aussi l’ancienne  variété Penape.

 A la question de savoir pourquoi est-ce que la variété Kinigi est identique ou presque reprise partout, un observateur éclaire : « Ici tout dépend d’abord du prix sur le marché mais aussi du cycle végétatif. C’est-à-dire quoi, ces producteurs ont besoin des rendements à la récolte et c’est cette variété qui coute cher. » Renseigne Mademoiselle Heri Pascasie, la présidente de la COOPAKA. Mais dans tout ça, poursuit-elle, ces coopératives agricoles rencontrent plusieurs obstacles qui, parfois les empêchent à mieux produire de la pomme de terre  selon la demande du marché.  Notamment l’inaccessibilité des routes de desserte agricole, les tracasseries liées à la mobilisation des taxes et les barrières illégales, mais aussi la difficulté d’accès à la semence certifiée, au marché et aux financements/crédits agricoles dans la chaine de valeur pomme de terre etc… « Mais dans tous les cas, nous sommes à un pas vers la solution sous l’accompagnement de la FOPAC Nord Kivu et son partenaire Agriterra. Oui, parce que dans ce cadre nous avons cette fois été en face des institutions financières, commerçants et des services publics de l’Etat (Ministère de l’agriculture et du Plan) pour plaider notre cause et  nouer de bonnes relations. Et nous allons poursuivre la coopération pour  affronter les exigences des institutions financières ! » Se réjouit–elle. Cependant c’est cette première activité d’exposition commerciale de la pomme de terre qui a conduit aux discussions  en plénières.  

Présentation plans d’affaires et échanges fructueux,

Cette étape était en tout cas cruciale pour les participants. Tous aux aguets, ils ont suivi très attentivement les présentations des plans d’affaires (business plans) de quatre coopératives agricoles présentés dans la salle sous l’œil regardant de la FOPAC Nord Kivu  et d’autres experts en la matière. Ici, il était donc question pour toutes ces coopératives agricoles de parler de ce qu’il leur faut pour accroitre le rendement, des moyens pour atteindre leurs ambitions, des potentialités  dont elles disposent déjà, elles ont aussi présenté le calendrier agricole, les statistiques de productions, les statistiques de vente, le capital propre et celui à investir, l’emprunt à solliciter, le taux d’intérêt moyen, l’estimation des chiffres d’affaires selon le calendrier agricole, non sans oublier aussi l’évaluation de rentabilité d’où l’indice de profitabilité…  Par exemple pour la coopérative des producteurs agricoles de développement communautaire la COPADECO en sigle, chaque 1$ investi rapporte 0.5$ toute chose restant égale par ailleurs.

Pour le président de la COPADECO, leur plan  d’affaire  est estimé à  38 172,11dollars américains. Ce  calcul inclus tous les coûts pour une  exploitation de 5 hectares avec possibilité de rapporter un intérêt saisonnier de 7000 dollars américains avec respect de  toutes les techniques technologiques qui nous ont été partagées par nos collègues rwandais pendant la dernière visite à Kingi et lors de la semaine pomme de terre de Musanze. Pour eux donc, cette estimation est le résultat d’une évaluation indépendante élaborée dans le cadre de l’analyse de faisabilité et confirmé par le travail préliminaire de consultants en sciences économiques. « Pour notre cas, nous avons seulement évalué un des critères, l’indice de profitabilité ! Ce critère de sélection s’impose par le fait que notre exploitation concerne deux campagnes agricoles qui se situent dans le cours terme. Et ceci prouve que l’investissement est vraiment rentable et vaut donc la peine d’être financé ! » Affirme son président James Muhawe Musanganya. Et avec ses stratégies de marketing au rendez-vous, la COPADECO écoulera la pomme de terre de consommation à priori en gros et en détail suivant les avantages comparatifs constatés sur les différents marchés. A posteriori, la coopérative mettra au marché la pomme de terre de semence pour assurer la diffusion des semences améliorées et faire de profits comme la filière semencière reste rentable.

En tout cas, ces agriculteurs familiaux ont un rêve très particulier pour la pomme de terre, dont ils veulent faire une culture de référence. Mais dans tout ça, l’insuffisance de moyens financiers pour faciliter les travaux de champs, l’accès difficile à la semence de qualité etc… leur bloquent la route, d’où la nécessité d’un crédit agricole. Quant à ce, les banquiers qui ont pris part à ces assises n’ont pas hésité de donner leur réponse favorable à la collaboration « étroite » avec les coopératives agricoles. Mais la donation du crédit, implique ici un certain nombre de conditions. Du moins pour le délégué commercial de la Banque TMB et de ProcreditBank, ces coopératives agricoles doivent tout d’abord se solidariser en fin qu’elles soient très fortes et obtiennent un plus grand capital pour réaliser leurs activités : « Pas de politique particulière pour les petits producteurs, nous traitons tous nos clients de la même manière et au même niveau. Nous sommes une banque commerciale et non agricole ! » Rétorque ainsi Mr Gentil Faraja du Trust Merchant Bank S.A. A lui d’ajouter encore qu’avant d’aller demander un crédit, ces coopératives agricoles devront d’abord être formelles, c’est-à-dire institutionnaliser leurs activités et s’assurer qu’elles ont déjà une activité existante, comme garantie à la capacité de remboursement : « Je vous conseille d’y aller oui, et puis très doucement. Présentez-vous  d’abord à la banque et ouvrez gratuitement un compte. Après près des six mois d’expérience, vous pouvez alors tenter de demander un crédit parce qu’au moins là, la banque aura évaluée vos données financières et saura en quoi est-ce que vous êtes capables de rembourser le crédit qu’elle pourrait vous offrir. Bien sûr être capable aussi de présenter un plan d’affaire banquable ! » Explique-t-il. Pas donc question de confiance aveugle, les organisations paysannes doivent affronter ici les conditions de la banque pour trouver du crédit et financer leurs activités de champs, martèle ainsi le conseillé au cabinet du ministère provincial de l’agriculture, élevage, pêche et développement rural, Mr John Borauzima. Et il en profite pour rassurer aux producteurs agricoles qu’un combat est déjà engagé pour limiter les tracasseries liées à la mobilisation des taxes et celles liées aux barrières illégales dont souffrent ces agriculteurs familiaux. C’est notamment la mise en place du service de canalisation des recettes. A-t-il fait savoir ! En dernière occasion, place à la FOPAC de boucler la boucle, en montrant la nécessité du crédit aux producteurs agricoles. Pour son assistant technique, Mr Jean Claude, il faut suivre l’exemple du Rwanda pays voisin où les banques offrent des crédits agricoles aux paysans et cela avec un taux d’intérêt réduit, (soit de 1,16 pourcent.) : « Selon une étude menée par nos experts, quelques banques seulement accordent du crédit agricoles en RDC, et puis avec un taux d’intérêt élevé, (soit de 2 pourcent.) Cependant, nous comptons beaucoup sur leur flexibilité comme promis ici. » S’exclame-t-il.

Jean Baptiste Musabyimana


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